Bruxelles, le 22 juillet 2024 – Jambo asbl, organisation de défense des droits de l’Homme œuvrant pour la promotion de la démocratie et d’un État de droit au Rwanda, constate avec la plus grande inquiétude les résultats et le contexte des élections présidentielle et législatives tenues au Rwanda le 15 juillet 2024. Bien qu’en réalité, ces élections constituent un non-événement.
Les résultats officiels de ces scrutins, avec une victoire de Paul Kagame à 99,18 % et une domination absolue du Front Patriotique Rwandais (FPR) et ses alliés au Parlement, ne reflètent en aucun cas les aspirations profondes de la société rwandaise pour l’apaisement social et sociétal, la liberté et la prospérité pour tous. Ces scores staliniens ne sont possibles qu’en raison de la fermeture extrême de l’espace politique au Rwanda, l’un des plus restreints non seulement en Afrique mais aussi dans le monde entier.
Il convient de rappeler que tous les partis politiques exprimant une opposition au régime actuel sont interdits ou contraints à l’exil. Les leaders politiques qui osent manifester une dissidence sont marginalisés, soumis à des pressions, emprisonnés, portés disparus, ou simplement assassinés. La société civile et les médias subissent des répressions similaires. Les derniers mois ont particulièrement mis en lumière la situation dramatique de Victoire Ingabire, leader de l’opposition politique, déjà emprisonnée pendant huit ans, isolée suite à l’élimination de ces soutiens et actuellement quasiment en résidence surveillée, victime de pressions et d’insultes incessantes de la part du régime et du Président Kagame en personne.
Ces élections ne font que souligner la mainmise totale du Président Kagame, de sa famille et de son parti sur tous les rouages du pouvoir rwandais : exécutif, législatif, judiciaire, militaire et économique.
Le régime a réussi à dessiner une image de pays modèl et miracle sur la scène internationale, s’appuyant sur des statistiques faussées, une propreté de façade et des campagnes de relations publiques coûteuses. Cependant, ce prétendu miracle est loin de la réalité vécue par les Rwandais. Le Rwanda reste l’un des 25 pays les plus pauvres d’Afrique, avec une économie fragile, une dette abyssale, un chômage en hausse, qui atteint plus de 40% chez les jeunes, et des inégalités parmi les plus marquées du continent. Contrairement à la propagande officielle, l’accès à l’eau potable et à l’électricité reste profondément problématique pour les Rwandais ruraux et pauvres, qui constituent la majorité de la population. La qualité de l’éducation et des soins de santé est également parmi les plus faibles en Afrique. Népotisme, ethnisme et oligarchie caractérisent la société rwandaise.
Dans ces conditions, le triste constat à tirer est qu'il n’existe aucun moyen de transition démocratique et pacifique du pouvoir. Ces élections ne font qu’accroître les frustrations silencieuses du peuple rwandais. Si ces tensions latentes éclatent en une crise ouverte, le Président Kagame devra être être tenu personnellement responsable.
La communauté internationale doit prendre conscience de l’impossibilité pour le peuple rwandais de réaliser une alternance politique démocratique dans les conditions actuelles. Elle a également le devoir d’agir pour éviter que la situation n’atteigne un point de non-retour.
C'est tout le sens de l'engagement qui est le nôtre et qui nous conduit, en mouvement conscient, porté par une jeune génération de Rwandais qui a été victime des trente dernières années tragiques de notre pays, à lancer cet avertissement et à nous engager pour éviter le pire et faire advenir une paix prospère, durable et réelle.
En conclusion, ces élections sont un non-événement. Le combat pour la démocratie et l’avènement d’un État de droit au Rwanda doit se poursuivre, s’élargir et se renforcer, dans l’intérêt des Rwandais, des peuples et États de la région, et pour la paix et la prospérité de tous.
Norman Ishilmwe Sinamenye
President de Jambo asbl