Madame, Monsieur, les juges d’instruction dans l’affaire de l’attentat contre l’avion du Président Juvénal Habyarimana. Suite à la disparition du témoin Emile Gafirita dans le dossier susmentionné, nous, jeunes d’origine rwandaise regroupés au sein de Jambo asbl, aimerions vous communiquer ce qui suit :
Vous instruisez un dossier sensible et important en ce que le fait a déclenché un génocide et un embrasement de toute une Région. Ceci justifie l’intérêt de toute l’humanité en générale, de tous les peuples de la Région et de tout le peuple rwandais en particulier.
Les témoins dans cette procédure judiciaire ne peuvent pas être considérés comme les témoins de tout autre crime vu les conséquences directes de cet attentat qui a coûté la vie à deux chefs d’État en exercice, sans compter ceux qui les accompagnaient ainsi que les membres de l’équipage de l’avion. Inutile donc de vous rappeler que les témoins qui courent potentiellement les menaces doivent être protégés ainsi que leurs familles.
Vous n’êtes pas sans savoir que plusieurs témoins de l’Histoire récente du Rwanda, dont l’affaire que vous instruisez, ont été tués sans que les auteurs de ces crimes ne soient identifiés, poursuivis et punis. Citons les cas de l’ancien ministre Seth Sendashonga assassiné le 16 mai 1998 à Nairobi, le lieutenant Abdul Ruzibiza tué le 22 septembre 2010 à Oslo ou encore le Colonel Patrick Karegeya assassiné le 31 décembre 2013 à Johannesburg.
Madame, Monsieur, les juges, sachant les enjeux de cette affaire, sachant également les moyens que les personnes sur lesquelles pèsent les soupçons sont prêtes à mettre en œuvre, nous sommes persuadés que ces expériences auraient dû vous inspirer pour protéger le témoin Emile Gafirita.
Le signal de cet enlèvement va nécessairement avoir des effets négatifs sur les autres témoins ou potentiels témoins; nous osons espérer que ce n’est pas ce que vous recherchez.
Nous demandons que les autres témoins que vous comptez rencontrer soient gardés anonymes si les circonstances le justifient, particulièrement les témoins à charge, et que vous leur garantissez des protections alternatives si leurs identités venaient à être rendues publiques.
Madame, Monsieur, les juges, vous êtes en train d’écrire l’Histoire, ne soyez pas du mauvais côté de ce qu’elle va retenir.
Pour Jambo Asbl
Bahibigwi Brave
Président du Conseil d’Administration
Lettre ouverte aux juges d’instruction Marc Trévidic et Nathalie Poux (version .pdf)