Bruxelles, le 18 mars 2025
Nous, Belges d'origine rwandaise, soutenons la Belgique dans son engagement pour la paix en RDC face à l’agression du régime rwandais
Une communauté marquée par l’exil et la résilience
Nous, Belges d'origine rwandaise, issus des nombreuses associations culturelles et sociétales belgo-rwandaises, souhaitons exprimer notre soutien total à la position de la Belgique en faveur de la paix et de la stabilité dans la région des Grands Lacs.
L'immense majorité des Rwandais vivant en Belgique sont arrivés sur ce sol à la suite des vagues de réfugiés qui ont suivi 1994. Beaucoup d'entre nous ont fui les génocides, les massacres, les persécutions et la désolation qui ont ravagé notre pays et notre région. Nous avons connu l'horreur de la guerre, le traumatisme de l'exil, l’oppression d’une dictature, et le périple douloureux de ceux qui n'avaient d'autre choix que de quitter leur terre natale pour survivre.
En Belgique, nous avons trouvé refuge, protection et une terre d'accueil. Nous avons pu étudier, grandir et nous développer. Aujourd'hui, nous sommes des travailleurs, des entrepreneurs, des citoyens impliqués dans la société belge. Nous nous reconnaissons pleinement dans les valeurs de justice et de solidarité de notre pays d’adoption, la Belgique.
Mais malgré l’exil et les épreuves traversées, nous restons profondément attachés à notre pays d’origine, le Rwanda. C’est précisément parce que nous l’aimons et que nous espérons un avenir meilleur pour lui que nous soutenons la position de la Belgique en faveur de la paix et de la stabilité. Il est fondamental de faire la distinction entre le Rwanda en tant que pays et son peuple d’une part, et le régime actuellement au pouvoir d’autre part, car c’est ce dernier qui est à l’origine de tant de souffrances et de divisions.
On estime aujourd'hui à plus de 50 000 la communauté rwandaise en Belgique. Une majorité d'entre nous sont des survivants ou des descendants directs de ceux qui ont fui les horreurs ayant secoué notre région. L’immense majorité des Belges d’origine rwandaise ont fui le régime en place au Rwanda et n’en veulent toujours pas 30 ans après. Ce n'est pas un hasard si tant de Rwandais ont choisi l'exil plutôt que de vivre sous ce régime.
La position de la Belgique : un engagement nécessaire pour la paix
C'est pourquoi nous voulons exprimer notre solidarité avec la position de la Belgique, incarnée par la politique étrangère du gouvernement de l’Arizona. Nous saluons les efforts du Vice-Premier Ministre Maxime Prévot et du Premier Ministre Bart De Wever dans la recherche d'une solution pacifique aux tensions dans la région.
La Belgique, en raison de son histoire et de ses liens profonds avec les pays des Grands Lacs, a un rôle et une responsabilité certaine. Si les blessures du passé colonial ne sont pas toutes refermées, il est indéniable que la Belgique s'engage depuis plusieurs années à ouvrir une nouvelle page, fondée sur la coopération et la promotion de la paix.
L'intérêt de la Belgique dans cette région ne réside pas dans l'exploitation de conflits, mais bien dans l'émergence de peuples en paix et en développement. Car c'est par le développement que naîtra la stabilité, bénéfique à tous.
Nous affirmons avec force que la politique actuelle du gouvernement belge repose sur des principes clairs et essentiels : le respect du droit international, la protection des populations civiles, la condamnation du pillage des ressources naturelles et la promotion de la démocratie et de la bonne gouvernance.
Le régime rwandais : une dictature qui vend une image trompeuse
La réalité du Rwanda est bien différente de l’image de succès que son régime cherche à vendre à l’international. Derrière les slogans de progrès et de modernité, le pays reste une dictature où :
- Il n’existe pas de liberté d’expression ;
- L’espace politique est totalement fermé ;
- Les prisons sont remplies d’opposants et de journalistes ;
- Toutes les voix dissidentes sont contraintes à l'exil, emprisonnées ou assassinées.
Ceux qui osent critiquer le régime paient un prix terrible. L'exil est une réalité forcée pour ceux qui refusent de se soumettre. Le peuple rwandais vit sous une surveillance constante, dans une peur omniprésente.
Sur le plan économique, la réalité est tout aussi sombre. Le Rwanda fait toujours partie des 25 pays les plus pauvres du monde. Malgré une façade de développement urbain à Kigali, la majorité des Rwandais vivent dans une extrême pauvreté. Le régime cache la misère et réprime ceux qui osent en parler. Il se sert d’une communication bien rodée pour masquer l’absence de libertés et l’accaparement des richesses par une élite proche du pouvoir.
Une solidarité avec les populations civiles victimes du conflit
La Belgique adopte une posture responsable et courageuse en dénonçant l’agression rwandaise en RDC et en exigeant des sanctions contre Kigali. Cette position est d’autant plus importante que les premières victimes de cette instabilité sont les populations civiles, y compris les communautés rwandophones que Kigali prétend protéger.
Or, il est essentiel de rappeler une vérité occultée par le régime rwandais : plus de 200 000 réfugiés rwandais vivent toujours dans une détresse absolue à l’est de la RDC. Depuis 30 ans, Kigali les ignore totalement. Ils sont laissés à leur sort, considérés comme des ennemis du régime simplement parce qu'ils ont fui l’oppression.
Les exactions commises par le M23 et l’armée rwandaise contre des civils ont été largement documentées, y compris des massacres d’enfants dénoncés par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme (HCDH). Il est insupportable que le régime rwandais continue de se présenter comme une victime tout en menant des opérations militaires qui plongent des milliers de familles congolaises et rwandaises dans la souffrance et le deuil.
La Belgique, en appelant à des sanctions et à la fin du soutien au M23, agit en faveur des droits humains et de la justice pour les victimes. Cette position doit être renforcée et soutenue par l’ensemble de la communauté internationale.
Un appel aux autorités belges : ne pas céder face à Kigali
Belges, Congolais, Rwandais, nous partageons une même aspiration : voir la région des Grands Lacs accéder enfin à une paix durable. Nous appelons donc les autorités belges à poursuivre avec détermination leur engagement en faveur du droit international et de la protection des populations civiles, en dépit des pressions et des manœuvres diplomatiques de Kigali.
La pression du régime en place à Kigali ne fera que s’intensifier. Viendront les menaces voilées, les ingérences calculées, les tentatives d’isoler la Belgique au sein de l’Europe. Car ainsi procèdent les autocraties lorsqu’un État choisit de défendre la justice et la paix.
Certains partenaires européens de la Belgique peuvent avoir un intérêt à soutenir le régime rwandais, mais la Belgique, forte de son expérience historique et diplomatique dans la région, ne peut céder à cette facilité. Pour d’autres, ce conflit semble lointain et abstrait. Pour elle, il est un enjeu majeur inscrit dans son histoire, un dossier auquel elle ne peut tourner le dos. Sa connaissance des réalités locales doit l’amener à jouer un rôle moteur, en convainquant ses partenaires que la stabilité et la paix ne peuvent être dictées par l’agresseur, mais doivent être fondées sur la justice, le dialogue et la fin des ingérences. Cela exige une position lucide et courageuse, à la hauteur de sa responsabilité historique.
Mais nous croyons en la résilience de la Belgique. En restant ferme, elle préservera non seulement ses intérêts, mais aussi ceux de l’Europe, l’honneur de la justice internationale et la souveraineté des peuples congolais et rwandais. Tant qu’elle s’opposera à l’agression et à la déstabilisation, elle pourra compter sur notre soutien indéfectible.
Que la Belgique se souvienne : elle n’est pas seule. À chaque doute, chaque pression, chaque tentative d’intimidation, nous serons là. Car défendre la vérité et la justice n’est pas un simple choix politique, c’est un impératif moral. Et face à l’histoire, seules les nations qui ont eu le courage de tenir tête aux oppresseurs ont façonné l’avenir. "L’Union fait la force" n’est pas qu’une devise, c’est une responsabilité. C’est en restant fidèle à cet engagement, unis dans la défense des principes de justice et de souveraineté, que nous pourrons bâtir une paix véritable et durable dans la region des Grands Lacs d’Afrique.
Les associations culturelles et sociétales belgo-rwandaises
Signataires:
- Jambo ASBL – Norman Ishimwe Sinamenye
- CoRwaBel (Communauté Rwandaise de Belgique) – Jean de Dieu Dusingize
- Réseau International des Femmes pour la Démocratie et la Paix – Marceline Nduwamungu
- Les Petites Mains ASBL – Marie-Odile Umutesi
- Initiative Humanitaire pour la Région des Grands Lacs – Enock Nsengimana
- Assistance aux Victimes des Conflits en Afrique Centrale (AVICA), asbl – Elysée Ndayisaba
- Fondation Victoire pour la paix – Augustin Munyaneza
- Institut Seth Sendashonga pour la Citoyenneté Démocratique (ISCID asbl) – Jean-Claude Kabagema
Contact: Norman Ishimwe SINAMENYE – norman.sinamenye@jamboasbl.com